Mayotte: dans un lycée devenu centre d'hébergement, "on fait ce qu'on peut avec les moyens du bord"
Une foule devant un petit guichet, un peu de nourriture et d'eau distribuées à chacun : dans une école de Mamoudzou transformée en centre d'hébergement d'urgence, les moyens manquent visiblement mais la municipalité fait ce qu'elle peut, dans des conditions dantesques.
Une foule devant un petit guichet, un peu de nourriture et d'eau distribuées à chacun : dans une école de Mamoudzou transformée en centre d'hébergement d'urgence, les moyens manquent visiblement mais la municipalité fait ce qu'elle peut, dans des conditions dantesques.
Une poignée d'enfants s'égosillent en courant à l'heure du dîner dans un petit gymnase encore vide, mais appelé à se remplir. D'ici la nuit, le lycée Bamana, au centre-ville du chef-lieu de Mayotte, doit accueillir 380 rescapés du cyclone Chido qui a ravagé l'île samedi dernier.
Rares sont ceux qui dormiront sur un matelas. La plupart se reposeront à même le sol, dans des classes surpeuplées.
Divine surprise, l'eau est revenue vendredi dans l'établissement, permettant un retour basique à l'hygiène.
Les pensionnaires, dont les possessions se résument plus ou moins à ce qu'ils portent, ne se plaignent pas. "Ce qui est matériel, on le retrouve toujours. Par contre, la vie, on la trouve pas" quand on la perd, témoigne Safia, une Malgache qu'accompagne sa petite Sheima, 6 ans.
Alors que Chido transformait la rue du Commerce, l'une des principales artères du centre-ville où elles habitaient, en champ de ruines, Safia et Sheima se cachaient dans une armoire, raconte la mère. "Une armoire blindée", précise Sheima.
Mais quand le toit de l'immeuble s'est envolé et la charpente s'est effondrée, mère et fille se sont retrouvées bloquées sous les gravats dans leur lieu sécurisé. "Un cauchemar", se souvient Safia. La police a fini par les libérer.
- "En vie, c'est l'essentiel" -
"On est en vie, c'est l'essentiel", acquiesce la Comorienne Fatoumia Ahmed, qui vivait dans le même immeuble que Safia et Sheima et qui est hébergée avec ses trois enfants dans la même salle de classe.
Tout juste les deux mères regrettent-elles une nourriture "pas suffisante, faite de compotes et de biscuits". Un jus de fruit complète la ration des enfants, quand les adultes se voyaient offrir vendredi soir des maqueraux en conserve, pain et fromage pour les premiers arrivés, plus une bouteille d'eau par famille.
Des quantités trop faibles. Une dame passe une première fois, puis retente une approche devant le guichet afin d'obtenir plus de nourriture.
"C'est une mascarade", la reprend gentiment Rafaanti Mohamed, une assistante scolaire du lycée qui fait classe aux plus petits dans l'après-midi et devient gardienne du temple une fois la nuit venue, refusant de nouveaux occupants pour éviter une surpopulation trop extrême.
"Je comprends que les gens cherchent un endroit où s'abriter" mais "la capacité a explosé", remarque Halilou Wati, un agent municipal tentant d'encadrer la foule. "On fait ce qu'on peut avec les moyens du bord", poursuit-il.
- "Impossible" -
Dans la majeure partie de Mamoudzou, "on n'a pas d'électricité, pas d'eau, pas de moyens de communication", avec un réseau téléphonique extrêmement irrégulier, commente Philippe Ramon, le directeur général des services de la mairie. "Et gérer une crise sans moyens de communication, c'est impossible. On ne peut pas contacter nos agents" et vice-versa, poursuit-il.
A cela s'ajoute une liste interminable de contrariétés: files interminables pour prendre de l'essence, montagnes de gravats débordant sur des routes parfois embouteillées, la moitié des agents municipaux qui ont eux-mêmes vu leur domicile endommagé.
Ce qui donne concrètement, selon M. Ramon: un camion de nourriture au réservoir à sec qui perd trop de temps à faire son plein, puis dans les embouteillages, et arrive trop tard en mairie, empêchant d'approvisionner les différents centres de Mamoudzou. Et au final des gens qui ne mangent pas.
Il y a aussi les tôles que, sur toutes les collines alentour, les plus impécunieux portent sur leur dos pour reconstruire un habitat précaire, encore moins solide qu'avant. Ils savent d'expérience que ces "bangas", nids de misère et parfois de délinquance, ne survivent pas à un cyclone.
Que l'Etat laisse faire est "un drame" qui montre qu'"on n'a tiré aucune leçon" de Chido, déplore le cadre administratif. Mais difficile d'arrêter un phénomène déjà massif avec des forces de l'ordre en effectif limité - et surtout sans alternative à proposer à leurs occupants.
Issu du corps préfectoral, Philippe Ramon affirme avoir "géré beaucoup de crises", mais n'avoir "jamais imaginé un tel schéma". Et de soupirer: "Aucun des plans de secours n'envisage une telle dégradation de la situation".